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riches par les taxes de gestion administrative de la province du Languedoc. Mais déjà trois ans plus tard André Pouget évince le fondateur de la société qui voit les choses plutôt en petit alors que lui voit la manufacture en développement florissante grâce au Canal du Midi en construction en cette même époque.
Pouget prévoit donc la construction d’une manufacture sur un plan carré, entourée de murs avec trois beaux portails : un grand pour la clientèle, un autre – plus petit – mène dans le jardin pour mener les discussions et les élaborations d’entretiens commerciaux, et un troisième plus simple pour les ouvriers. Le tout agrémenté de ruelles et de places. Dans ce sens on prévoit à grande échelle tout en centrant l’attention principale sur la puissance hydraulique, productrice d’énergie… En effet les simples roues hydrauliques des deux moulins sur la Dourbie ne répondent pas aux exigences d’un grand centre de production.
Ainsi un réservoir d’eau de dimension 99 x 16 mètres se constitue, équipé d’un barrage de 5,5 mètres de hauteur. Le réservoir est alimenté par des canaux d’eau de pluie et d’un barrage sur la Dourbie supérieure. L’eau, recueillie dans le réservoir, qui se déverse d’une assez grande hauteur grâce à de simples turbines dans des goulottes garantit une alimentation régulée d’énergie cinétique, qui sera transmise aux postes de travail et qui, à tout moment, est mise en marche ou interrompue sans pertes.
Le projet et sa situation privilégiée à proximité de la Méditerranée n’échappe pas à l’œil exercé et calculateur de Jean Baptiste Colbert, à la fois réformateur d’état et en charge de l’économie qui fit date sous Louis XIV. Colbert, lui-même le fils, d’un marchand de tissu, avait fondé en 1665 une des premières manufactures de dentelles en France à Sapte (Aude). C’est son nom qu’on a donné à la célèbre broderie Colbert. Le signe caractéristique : des arabesques et des motifs floraux, encadrés par des cordons, souvent en or, remplis auparavant par des éléments de dentelles et des points de Damas.
Si le souvenir de sa propre jeunesse éveille l’intérêt de Colbert pour la nouvelle manufacture à proximité de Clermont de l’Hérault, il y a aussi cependant des éléments économiques concrets qui amènent Colbert devenu le secrétaire d’état de la Maison Royale et contrôleur général des finances à poser sa main protectrice sur la jeune entreprise. Il voit la possibilité de briser la supériorité de la concurrence anglaise et néerlandaise dans le commerce du tissu sur le marché oriental et de renforcer par là même sa propre puissance.
Colbert qui sait bien estimer la clairvoyance de Pouget, prend volontiers le risque, et procure à l’entreprise obtienne le statut d’une Manufacture Royale, la deuxième après Saptes, et il la couvre de subventions.
Ainsi une nouvelle commune qui inclut les lieux de production existants se constitue grâce à l’action de Colbert et à la clémence de Louis XIV. Ceci entraîne pour les communes de Clermont-l’Hlt et de Nébian une perte de superficie de 315 ha, c'est-à-dire 3,15 km2. Le nom Villeneuve de Clermont est bientôt transformé en Villeneuvette, ce qui ne plaît pas à Clermont-l’Hlt et qu’on n’oubliera pas de si tôt. Un soutien financier complémentaire permanent est accordé pour faire face aux charges très lourdes et ce afin d’assurer la qualité des étoffes, destinées uniquement à l’exportation.
Ce défi de construire un lieu de production dans la campagne qui prenne en compte les différentes techniques textiles peut seulement réussir si tous les aspects sont bien pris en compte. A commencer par le dégraissage de la laine mérinos importée d’Espagne jusqu’au cardage (défroissage des fibres en touffes, avant d’être filées), puis la filature et le tissage, jusqu’à la teinture par le carmin, obtenu de la cochenille et de l’extrait de bois bleu ou sanguin de campêche d’Amérique Centrale.
Tout ceci nécessite le recrutement et l’hébergement de nombreux ouvriers spécialisés. Ainsi autour des ateliers en 1681 une cité ouvrière de 66 logements est construite, à laquelle appartient une ferme avec 800 moutons, deux moulins à blé et beaucoup de terrain. L’arrivée d’un boulanger, d’un pharmacien et d’un médecin enfin marquent le développement, pendant lequel la manufacture se transforme bientôt en un village indépendant. C’est à cette structure particulière que Villeneuvette doit sa survie dans les années suivantes difficiles tant sur le plan économique, que politique et social.
De même l’aspect extérieur architectural, marqué par une période de prospérité culturelle et une aisance économique, survit au moins dans ses grandes lignes. Car dès 1682 André Pouget fait faillite, la manufacture est alors reprise par la principale créancière, la compagnie du Levant.
II. Le Grand Guillaume
En 1703 Honoré Pouget, le fils d’André Pouget, rachète la manufacture. Dix-sept ans plus tard Guillaume Castanier d’Auriac finit par acheter l’ensemble de la manufacture qui a entre-temps 43 ans. Il s’agit d’un fils d’un marchand de tissus de Carcassonne et il est déjà propriétaire de la manufacture de Saptes.
Grâce à ses trois cousins – l’un est le directeur en place, l’autre marchand à Marseille et la troisième enfin directeur de la compagnie des Indes, l’entreprise décolle littéralement. Entre-temps 800 ouvriers sont employés, dont 300 habitent à Villeneuvette. 120 balles d’étoffes très fines sont exportées vers l’orient (soit environ 60 000 mètres) ce qui correspond à un chiffres d’affaires de 300 à 400 000 Livres (environ 14 000 Louis d’or.)
La manufacture se développe, des nouveaux bâtiments sont construits : 47 maisons, équipées des ateliers pour les tisserands, quatre moulins à foulon, une teinturerie, une maison de maître dans la Grand’rue, des boutiques, une chapelle. Et finalement pour le plaisir du propriétaire un buffet d’eau, dans le langage populaire nommé le